« Des années après la guerre, après les mariages, les enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa femme. Il lui avait téléphoné. C’est moi. Elle l’avait reconnu dès la voix. Il avait dit : je voulais seulement entendre votre voix. Elle avait dit : c’est moi, bonjour. Intimidé, sa voix tremblait tout à coup, elle avait retrouvé l’accent de la Chine. Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres, il l’avait su par la mère revue à Saigon. Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle. Et puis, il n’avait plus su quoi lui dire. Et puis, il le lui avait dit. Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort. »
Marguerite Duras. L’Amant, Paris, Les éditions de minuit, 1984, p. 141, 142.