« L’objet d’une action et le niveau de l’énergie qui l’alimente, réalités distinctes. Il faut faire telle chose. Mais où puiser l’énergie ? Une action vertueuse peut paradoxalement abaisser s’il n’y a pas d’énergie disponible au même niveau.
Un être aimé qui déçoit. Je lui ai écrit. Impossible qu’il ne me réponde…
Les hommes nous doivent ce que nous imaginons qu’ils nous donneront. Leur remettre cette dette. Accepter qu’ils soient autres que les créatures de notre imagination, c’est imiter le renoncement de Dieu.
Le contentement de soi après une bonne action (ou une œuvre d’art) est une dégradation de soi. C’est pourquoi la main droite doit ignorer…
Pour atteindre le détachement total, le malheur ne suffit pas. Il faut un malheur sans consolation. Il ne faut pas obtenir de consolation représentable. Alors, l’ineffable descend.
Accepter le passé. Sans demander de compensation à l’avenir. Arrêter le temps à l’instant. C’est aussi acceptation de la mort.
Se vider du monde. Revêtir la nature d’un voyageur. Se réduire au point qu’on occupe dans l’espace et le temps. Se dépouiller de la suprématie fantasmatique du monde.
Renoncer à tout ce qui n’est pas grâce mais ne pas désirer la grâce….
Nous fuyons le vide intérieur parce que Dieu pourrait s’y glisser. »
Simone Weil. La Pesanteur et la Grâce, Paris, Plon, 1988, p. 43, 44, 47.