« D’où viennent les instruments de musique ? Certains répondent d’une externalisation de l’auralité des gestes moteurs, vocaux. Et la musique ? D’où vient la musique ? De l’incantation magique au cours de la préhistoire (…).

Mais que l’on risque ou non le parallèle entre le primitif préhistorique et le primitif historique dont l’ethnographie offre une source intarissable, le nombre et le caractère décisifs des fêtes rythmiques (accompagnant naissance, mort, vie quotidienne), nous oriente vers l’importance de l’auralité comme dimension fondamentale du rapport humain conscient, préconscient au monde visible et invisible.

Les rites ancestraux inscrivent les cultes, les mystères les plus anciens (ceux de la Grand Mère, de l’Arbre mystique, de l’Axe du monde) dans les scansions, répétitions et cycles du temps dont ils sont eux-mêmes la substance. Les rites se meuvent dans la pulsation des chants et des danses qui supposent l’élaboration d’une échelle de sons et de rythmes, aussi rudimentaires soit-elle.

Du sein de cette maison sonore, les rites deviennent des symboles en acte de la relation au divin, au biotope, au grand principe de vie et de mort animant le tout; à l’image de l’inspir et de l’expir du souffle, de la descente-fin du geste lors de la montée-naissance du son au toucher de l’instrument de musique. Le couple magique du chaman et du tambour, “frère jumeau” dans leur association symbolique et cultuelle, que l’on retrouve dans les cérémonies indiennes, chinoises, américaine et africaine, nous indique que l’on est passé de la physique cosmique et artisane du bruit, des bruits à la métaphysique d’une maîtrise des rythmes de l’Univers.

De la transe chamanique accompagnant l’effervescence de réunification du groupe, naissent les avatars de formes plastiques, de signifiants peints, gravés, psalmodiés. Attachée à la régularité de leurs apparitions s’installe une tradition de « ces langages indirects », puis à leur tradition, la figure d’un ordre, d’une harmonie. Nous pouvons ainsi présenter toutes ces graphies et ces phonies cérémonielles comme autant de cosmographies et cosmo-phonies incarnant – hors discours – le récit des mythes ».

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Sur le sol foudroyé

Qui pense à l’odeur du jasmin?

À l’apparition de l’ange

Dans le velours ténébreux de la toile ?

Qui pense par-dessus les clôtures,

Par-dessus tous les paysages

À l’aube d’un visage humain ?

Dans la chambre d’hôpital

Arrivent les saltimbanques.

Le clown blanc est entré le premier.

Puis vinrent les jongleurs

Les musiciens, le magicien.

Les cabrioles, les guirlandes.

Les tambourins, les couleurs.

Le branle-bas des sourires et des voix.

Ils sont là.

Au chevet de l’enfant.

Une flûte.

Une mélopée.

Un doigté de pluie.

Une note plus haute.

Le paravent que l’on déplace.

Sur le plafond, une ombre.

Et tout le silence qui se retire.

 

Joëlle-Andrée Deniot. Le sentiment esthétique, Le Manuscrit, Paris, 2017, p. 104, 105, 2013.

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