Je suis fière de pouvoir dire que Josef m’a donné le plus sage conseil quand jadis des personnes cruelles m’avaient attaquée en meute. Josef m’avait dit : « Mary, il ne faut pas prêter attention aux gens méchants et continuer simplement, simplement, à faire ce que tu aimes ». La douceur de Josef, hyperpolyglotte qui galère entre ses chaussettes et la boîte aux lettres. La pudeur innée de Josef, qui baisse le regard pour éviter de lire l’âme de l’autre. La gentillesse de Josef qui était prêt à traverser l’Europe pour intervenir 20 minutes dans un colloque bidon où nous autres racontions des balivernes histoire de se targuer d’avoir organiser « un événement scientifique ». Josef, on est crasseux à côté de toi, des pouilleux. Tu es notre maître — que tu le veuilles ou non.
PS : Tu es rentré d’Iran ? Toujours féru de poésie farsi ? Réponds-moi en commentaire (je ne publie pas) car après 9 ans d’attente, j’ai banni l’espoir de recevoir ton dernier mail. J’attends donc des excuses écrites, merci d’avance, cordialement.
« Pour en revenir au sujet, je crois que la rigidité des personnes avec autisme, si elle peut être effectivement constatée dans nombre de situations, n’est pas absolue. Des études montrent que, dans certains domaines, les autistes ont tendance à être beaucoup plus souples que les autres. Un cas que l’on peut citer, et qui me concerne personnellement, est l’appartenance nationale. J’ai toujours beaucoup de mal à comprendre ce que peut représenter le fait d’être allemand ou belge. Cela me parait trop abstrait. Être indonésien peut être plus difficile à imaginer du fait de la différence radicale de culture et d’appartenance physique, mais, par exemple, si on me demandait et me permettait de me faire passer pour estonien sur-le-champ, cela ne me gênerait guère. Il est manifeste que, dans ce cas particulier, l’histoire personnelle joue un rôle majeur en plus de l’autisme; eu égard à la complexité de l’être humain, il est quasiment impossible d’isoler l’influence “pure” du rôle de l’autisme dans la pluralité des expériences vécues. Dans mes moments de déprime, je me sens apatride; dans mes moments de manie, citoyen du monde. »
Josef Schovanec. Je suis à l’Est, Paris, Plon, 2012, p. 99.