Au gymnase, mon professeur de français s’était montré très étonné et admiratif en apprenant que je lisais le dictionnaire.

J’avais été moi-même assez étonnée de la réaction, tant cette activité me paraissait normale. Je pensais que c’était un acte d’apprentissage répandu. Il serait intéressant  d’en interroger les motifs (le côté infatué n’étant pas absent mais secondaire, en lien avec l’enfant). En effet, pourquoi lire le dictionnaire ?

Si mes souvenirs sont bons, je n’y allais pas selon un ordre alphabétique, mais d’un mot à l’autre, au gré de mes découvertes et des occurrences; sautillant d’une page chez la voisine, l’objet se prêtant, de fait, à cette liberté : les dictionnaires se collent à merveille aux structures de pensée dites « en arborescence ». C’est vraiment le lieu d’une épiphanie. J’ai découvert assez tôt l’idée que ce fonctionnement pouvait aussi appartenir au « surdoué » appelé ultérieurement « haut-potentiel ». Si la monomanie — pour employer un terme ronflant — s’active avec une rapidité particulière dans le champ de l’intellect, force est de constater qu’il en va de même avec d’autres types de préoccupation comme une obsession (heureusement temporaire) pour tel ou tel aliment.

Il y a quelques années, j’ai consacré 4 mois de ma vie à confectionner du jus de betteraves mélangé au lait de coco (très gras) accompagné de pastèques (des quantités honteuses) et de glace à la fraise. Très difficile d’avaler autre chose. L’appel de la couleur rose. L’année d’avant, des petites brioches jaunes tartinées d’une tonne de beurre de cacahouètes (tantôt crunchy tantôt smoothy) arrosées de thé au citron. Je ne mangeais absolument rien d’autre. Quelle est la place du salé dans tout cela ? On finit par se poser de sérieuses questions : qui est le plus méritant ? Le crunchy ou le smoothy. Pourquoi l’un puis l’autre, pour revenir au premier ? 

Post scriptum : j’avais rédigé à la suite de ces paragraphes d’autres extraits de biographie sublime mais tout s’est effacé.