« Le cynique joue le tout pour le tout : défiant moral et logique, il revendique hautement cela même qu’on lui reproche; le cynique se veut canaille et adopte la politique du pire. Le méchant « enroulé sur soi, cru et nu… cuit et recuit » habite à l’aise dans sa méchanceté et s’applaudit lui-même. Voilà l’aspect exotérique du cynisme, celui qui nous révolte chez l’égoïste fanfaron; nous l’appelons parfois impudence.
La cynisme est bien la friponnerie glorieuse. Mais il y a au verso de cette friponnerie une seconde image que nous devons déchiffrer.
Le cynique, en vérité, est relativement sérieux; ou plutôt, il n’est ni tout à fait dupe ni tout à fait comédien, et il ne saurait dire lui-même s’il « le fait exprès » à force de jouer avec le scandale, il lui arrive de l’endosser.
Justement, l’homo duplex, l’homme amphibie, toujours mitoyen entre instinct et raison, cet homme est parfois cynique faute de pouvoir être absolument impudique : il brave sa propre vocation, il se renie lui-même, il se fait du mal à lui-même ».
Vladimir Jankélévitch. L’ironie, Paris, Flammarion, 1964, p. 103, 104.