« L’idée aristocratique exige la domination réelle des meilleurs; la démocratie, la domination formelle de tous. En tant que gouvernement des meilleurs, exigence d’une sélection qualitative, l’aristocratie reste à jamais un principe supérieur de la vie sociale, la seule utopie digne de l’homme. Et toutes vos clameurs démocratiques, dont vous assourdissez les places et les bazars, ne vont pas déraciner le cœur de l’homme noble.
Il convient aussi de rappeler Platon à notre temps. Il y a, dans son utopie aristocratique, quelque chose d’éternel, encore que son enveloppe eût été provisoire. On ne saurait surpasser son principe aristocratique même. Il avait séduit le Moyen-Age et il séduira encore les temps à venir.
Tant que l’esprit de l’homme est encore vivant et que son image qualitative n’est pas définitivement écrasée par la quantité, l’homme d’esprit aspirera au règne des meilleurs, à l’aristocratie authentique.
Et que pourriez-vous opposer à ce haut rêve, à cette seule utopie valable ? La démocratie, le socialisme, l’anarchie. Je m’en vais analyser ces songes et ces fantasmes qui sont les vôtres. »
Nicolas Berdiaev [1918]. Philosophie de l’inégalité. Lausanne, Les Éditions L’Âge d’homme, 2008, p. 117, 118.